Non fecit taliter omni nationi.
Non, le Seigneur qui ne doit rien à personne n’a pas fait à tant de nations enveloppées dans les ténèbres de l’infidélité et de l’hérésie la même grâce qu’il a accordée au peuple de Valleiry. Ce peuple ayant été plus de deux cents ans sous la puissance de Genève qui s’empara de l’église dudit Valleiry pour y faire prêcher la prétendue réforme dès que les erreurs du calvinisme eurent infecté cette malheureuse ville, de la cure et du revenu du curé qui en fut chassé, se voit enfin par la miséricorde du Seigneur et les soins du plus pieux de tous les rois, Charles Emmanuel roi de Sardaigne, duc de Savoie, rétabli dans la possession des mêmes avantages pour le spirituel, dont jouissaient ses ancêtres avant l’an mille cinq cent trente-cinq, funeste époque de la perversion dudit Genève.
Il fallait pour lui procurer ce rétablissement un prince aussi zélé pour la gloire de Dieu et le salut des peuples ; et il fallait pour seconder les pieuses intentions de ce grand monarque les lumières pénétrantes du seigneur FONCET, conseiller d’État de Sa Majesté, baron de Mantailleur, Seigneur de La Tour, soutenues par les vertus solides qu’on lui voit pratiquer avec tant d’édification et qui lui attirent l’admiration d’un chacun car c’est par le traité négocié par ledit seigneur baron de la part du roi, conclu avec la République de Genève, et signé à Turin le troisième juin mille sept cent cinquante-quatre que la paroisse de Valleiry formée des villages dudit Valleiry, de Chez Berthet, de la Grande et de la Petite Joux, a recouvré son église, sa cure et son curé, le roi ayant bien voulu ensuite dudit traité, doter ladite église, la faire réparer et pourvoir à ses frais des vases, ornements, linges et autres choses nécessaires à une église paroissiale pour le service divin, ainsi que par ses patentes du vingt-sixième décembre mille sept cent cinquante-quatre. En conséquence de quoi Monseigneur DESCHAMPS de CHAUMONT évêque et frère de Genève rétablit ladite église paroissiale sous la vocable de Saint-Étienne son ancien patron par son ordonnance du trentième janvier dernier ; et Sa Majesté ayant honoré je soussigné de sa nomination à ladite cure par ses autres patentes du vingt-quatrième février proche passé, je fus institué curé de Valleiry par ledit Monseigneur l’évêque de Genève le cinquième mars de la présente année 1755.
Cependant l’église n’était pas encore réparée, et elle ne l’a été qu’au commencement de juillet suivant ; C’est pourquoi elle n’a été bénie et réconciliée que le vingtième dudit juillet mille sept cent cinquante-cinq, par le Révérend frère Michel consul chanoine de la cathédrale de Genève, official et vicaire général du diocèse dudit Genève, député par Sa Grandeur pour ce faire, étant assisté de Révérend frère Jean PUTHOD chanoine de ladite cathédrale et promoteur dudit diocèse, de Révérend frère BIORD docteur de Sorbonne, aussi chanoine de la même cathédrale, lequel a prêché à cette occasion un sermon qui fait envier à ceux qui ont eu l’avantage de l’entendre, les rares talents de ce savant sorbonniste ; assisté encore de Révérend frère de DICHAT curé de Saint-Julien aussi chanoine de ladite cathédrale, de Révérend frère de ROGET chanoine de la même cathédrale curé de Bernex, de Révérend frère GUILLON docteur en Théologie, archiprêtre de Gaillard et doyen d’Annemasse, et de plusieurs autres curés et […] prêtres tant de l’archiprêtrée du Ternier que de celle de Chaumont.
Il y a eu à cette cérémonie un très grand concours de peuples qui y sont venus de toutes parts en sorte que l’église n’en contenait pas la sixième partie. mes successeurs me permettront de les avertir que Monseigneur l’évêque a déterminé que l’on solennisera annuellement le patron de l’église de Valleiry le premier dimanche du mois d’août à cause de l’invention de frère Étienne *, et qu’on ne fera point le pain bénit le jour dudit patron quoi qu’il se rencontrera toujours le dimanche pour ne pas multiplier les fêtes sans nécessité.
* La solennité du dit Patron a été replacée à son jour primitif le vingt-six décembre jour de Saint-Étienne en l’année 1818.
Non fecit taliter omni nationi (Psaume 147 v.20)
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